Beaucoup de choses se sont passées, dans le monde et en France, depuis les prémices des Messagères en 2021. C’est encore possible de trouver un écho aux paroles de ces femmes afghanes après trois ans ?
Jean Bellorini : Quand on s’est rencontré, je voulais faire très attention à ne pas instrumentaliser. Il y avait plein de journalistes qui voulaient écrire, mais ces jeunes filles avaient besoin de temps pour se reconstruire, pour apprendre le français, pour comprendre ce qu’était la liberté, qui commence par la liberté de s’exprimer. J’ai plutôt freiné des quatre fers pour ne pas faire du théâtre et encore moins de la médiatisation de quoi que ce soit. C’était ubuesque, administrativement. Au départ, j’ai commencé à faire trois jours de travail en disant « Ça fait maintenant un an et demi que vous êtes là, je vais vous rencontrer, ça permettra de faire un petit lien, une fiche de paye entre deux statuts ». C’était très concret sans pour autant être malhonnête. On a toujours séparé très clairement les choses avec le TNP. Ce n’était pas de l’argent public fait pour du théâtre. Mais il se trouve qu’il y a eu quand même une rencontre artistique hyper forte. Antigone, ça a été une rencontre claire en disant « En fait, ça parle de nous, mais ça parle surtout de ceux qui sont là-bas ». Et c’est un peu naïf de ma part, mais j’ai découvert qu’elles étaient très fières de leur culture, de leur pays, de montrer des photos. Même si on raconte, et je veux bien le croire, que les talibans étaient là déjà, il n’empêche qu’elles avaient une vraie vie. Elles faisaient du théâtre, certes un peu en cachette, mais elles faisaient du théâtre. Elles n’avaient pas le voile tout le temps. C’est beaucoup plus complexe et paradoxal que tout ce qu’on peut dire.